Les esquisses de planches
Faire le brouillon d’une planche est un moment très capricieux. Cela peut être exaltant quand on imagine une mise en scène audacieuse. Ou alors frustrant quand ladite mise en scène prend tellement de place qu’il devient nécessaire de la revoir ou de l’abandonner.
Cette phase offre beaucoup de libertés, de possibilités. N’ayons pas peur de le dire, c’est un véritable chantier graphique où la gomme passera et repassera. On peut même couper des bouts à l’instar des monteurs vidéo pour réorganiser un peu les cases. Clairement, il ne faut pas avoir peur de défaire et refaire. C’est même positif car cela prouve qu’il y a du progrès !


Pour moi la principale raison d’être de ces brouillons, c’est la répartition de l’action dans les cases. Si j’arrive à rentrer ma page de scénario dans la planche comme prévu, alors tout va bien ! Croyez-moi, c’est un exercice vraiment difficile qui vient avec beaucoup de pratique.
En débutant, on a tendance à vouloir faire une case pour chaque action. La magie de la BD c’est de pouvoir intégrer plusieurs choses en une seule case. Souvent ce sera sur un mode binaire, un événement et la réaction du ou des personnages. Mais avec de la maîtrise on peut introduire beaucoup en une case ! Et plus on veut en dire, plus la nécessité de condenser l’action se fait sentir.

1) Les choses assaillent Alexandre avec plus d’acharnement.
2) Il s’effondre.
3) Il saisit un bris de verre à terre.
Ces esquisses sont aussi l’occasion de tester le rythme du récit et de faire quelques ajustement au texte. Quand on écrit le scénario, on est tenté d’en rajouter, de faire de l’emphase. On se rend vite compte qu’une ligne qui ne coûte rien dans un texte prend de la place une fois dessinée. Cela peut même ralentir l’action. C’est pourquoi il est important d’aller à l’essentiel.
Les pages 3 et 4 contiennent un bon exemple de raccourci. La vue extérieure du manoir indique au lecteur qu’il fait nuit. Alexandre est réveillé dans son lit par le hurlement de son oncle qui chevauche les deux cases. Et page 4, tous les protagonistes sont dans la bibliothèque.
Voir Alexandre se lever, enfiler un pantalon, se rendre à la bilbiothèque, ou même aller réveiller Olivier, tout cela était inutile à dessiner. Et mieux encore, le lecteur supposera intuitivement tout ce qui se produit entre les cases !